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Les stéréotypes publicitaires, ou comment la publicité influence notre vision de la société


Les stéréotypes : comment sont-ils liés à la publicité ?


Les premières apparitions connues de la publicité datent de l’Antiquité, chez les Grecs, où de jeunes hommes, surnommés aujourd’hui “promo-boys”, étaient engagés pour faire de la publicité en criant dans les rues. Nous pouvons également trouver des fresques, vantant notamment les mérites d’hommes politiques. Des siècles plus tard au XVe siècle, les premières publicités écrites firent leur apparition suite à un édit de François Ier posant les bases de l’affichage dans la rue. Cet édit prescrit que ses Ordonnances doivent être affichées dans tous les endroits biens visibles de la ville afin que les décisions inscrites soient connues de tous. En résumé, cela s’inscrit dans les débuts de la communication politique.

La publicité circule, entre autres, des normes et des valeurs à travers la société et aujourd’hui à travers le monde.


Les normes sont des règles qui déterminent les comportements que les individus doivent adopter dans la société. Plus informelles, elles relèvent des mœurs, ce sont des standards sociaux et on les retrouve dans la publicité.

Dans une société, les normes jouent un rôle important dans la socialisation des individus. En effet, si une personne évolue dans un environnement type, il sera le plus souvent rejeté par son groupe s’il n’adopte pas les comportements majoritaires et qu’il revendique des idées contraires à celles de son entourage, selon de nombreuses théories sociologiques et notamment selon l’article Corps et socialisation de Guillaume Vallet.


Selon la définition du dictionnaire Larousse, un stéréotype est une “expression ou une opinion toute faite, sans aucune originalité, cliché.” C’est une “caractérisation symbolique et schématique d'un groupe qui s'appuie sur des attentes et des jugements de routine.”

Dans la publicité, autant papier ou télévisée et depuis récemment sur internet, les stéréotypes sont bien présents. En effet, il faut pouvoir jouer sur ceux-ci si l’on souhaite viser le plus grand nombre de personnes possible.

Les stéréotypes généralisent des personnes ou des groupes de personnes, et cela n’a évidemment pas de conséquences uniquement positives.

En effet, en classant les objets ainsi que les personnes dans des cases, a alors lieu une catégorisation sociale. Ce schéma de classification des choses est alors retrouvé dans notre vie quotidienne. Dans un premier temps, cette catégorisation sociale nous permet de nous adapter à notre environnement social, néanmoins c’est aussi cela qui va développer les stéréotypes.

Ces derniers, s’ils s’ancrent dans notre quotidien, deviennent une réalité aux yeux des individus. C’est alors que ceux-ci deviennent une définition d’un groupe par exemple, pouvant conduire à de la discrimination de groupe. Les stéréotypes négligent l’individualité de chacun pour se concentrer sur le cliché de groupe, pouvant ainsi se lier au racisme et au sexisme par exemple.



Zineb El Fasiki pour une affiche de l’ambassade française au Maroc, campagne de lutte contre les stéréotypes liés au genre, 2018


Cette généralisation de groupe est utilisée dans le domaine de la publicité, elle simplifie la réalité sociale de notre société et en amplifie les stéréotypes afin de viser un grand nombre de personnes rapidement. La publicité est à la recherche de l’efficacité, son message doit se transmettre facilement et rapidement.



La publicité est un élément révélateur des valeurs et normes sociales d’une société. En effet, l’objectif des publicitaires est de créer une identification facile pour que le spectateur consomme ou achète le produit vanté. Le publicitaire donne donc un reflet de ce qu’est la société, de ce qu’elle veut, selon les stéréotypes pertinents.



Les stéréotypes de genre dans la publicité


Au cœur des stéréotypes utilisés par les publicitaires se trouvent les stéréotypes de genre. Ceux-ci sont la croyance selon laquelle certaines aptitudes ou traits de caractères sont spécifiquement liés au genre de la personne, c’est-à-dire plus grossièrement des traits féminins ou des traits masculins.


Ces stéréotypes représentent un obstacle à la réalisation d’une égalité entre les femmes et les hommes. Selon le Conseil de l’Europe, ils favoriseraient la discrimination fondée sur le genre. Par ces stéréotypes, on assigne des rôles préconçus aux personnes selon leur sexe ou leur genre.


La publicité est très souvent citée et pointée du doigt lorsqu’il s’agit de perpétuer des stéréotypes de genre. Ces images que l’on peut apercevoir sous toutes les formes (tv, affiches, réseaux sociaux) contribuent au maintien des stéréotypes et façonnent notre vision de la société et des personnes.



Extraits du rapport du CSA, “Représentation des femmes dans les publicités télévisées” 2017 - issus du manuel scolaire numérique d’histoire de classe de première, programme 2019, disponible sur www.lelivrescolaire.fr



Nous pouvons notamment observer une sexualisation de la femme au travers de la publicité, où celle-ci est utilisée comme objet, uniquement bon à être regardé. Celle-ci a tendance à nous montrer des femmes actives en grande majorité dans la maison et rarement dans des activités dites masculines. Par exemple, dans le domaine de l'automobile, les femmes ne servent que de décorations, elles attirent l'œil masculin pour lui donner envie d’acheter la voiture. Néanmoins, il faut noter que cela a tendance à changer ces dernières années, on tend à renverser stéréotypes de la femme au foyer.


Graphique issu du rapport du CSA, “Représentation des femmes dans les publicités télévisées” 2017 - issus du manuel scolaire numérique d’histoire de classe de première, programme 2019, disponible sur www.lelivrescolaire.fr



L’image de la femme “ménagère” se dissipe petit à petit, et c’est l’image de la “superwoman”, c’est-à-dire la femme “parfaite” qui sait tout faire, qui prend alors une place plus importante dans le monde du travail. Ce phénomène est dû à un début d’individualisme et d’émancipation dans les années 80 aux Etats-Unis : la femme adopte une “attitude favorisant l'initiative individuelle, l'indépendance et l'autonomie au regard de la société.” et se libère du rôle de femme au foyer. En effet, elle travaille la journée afin de gagner sa vie et le soir en rentrant, elle s’occupe de son chez soi. Cette situation est loin d’être préférable, car il lui reste donc toute la charge mentale de son foyer à assumer, le plus souvent seule. De ce fait, durant cette période, les publicités et les magazines commencent de plus en plus à représenter des femmes travaillant aux côtés des hommes dans les entreprises, reflétant ainsi les valeurs dominantes d'égalité, alors que ce n’est pas le cas en pratique.



Publicité Van Heusen, “Show her it’s a man’s world,” 1951



On peut donc relever que la publicité suit les normes de la société, ou évidemment les influences, la frontière reste floue.

La publicité, notamment télévisée, a permis de faire circuler ces normes et valeurs à travers le monde grâce à des images. Due, entre autres, à l’émancipation sexuelle débutant fin des années 60, les stéréotypes féminins se libèrent peu à peu de l’image de la ménagère et de la femme au foyer. Néanmoins, malgré le nombre de points positifs attachés à cette évolution, nous pouvons remarquer que la nudité est de plus en plus présente dans la publicité, nudité mise en avant de façon sexuelle. La position des corps joue des rôles importants dans ces publicités, le corps féminin étant, dans le cas général, dans une position inférieure à celle de l’homme. Une culture du viol et de la sexualisation sont ainsi mises en place, certes d’une façon imagée, mais bien présentes dans la société.


Jamie Dornan et Eva Mendes, publicité Calvin Klein, 2009.


D’un certain point de vue, la publicité dicte le modèle à suivre au niveau du comportement et de l’apparence physique. La publicité telle qu’elle a été mise en place, influence la santé mentale des personnes. Elle les pousserait à voir leur corps comme une source de multitude de problèmes qu’il faut régler pour être accepté dans la société. Le Ministre de la Santé a notamment reconnu en 2008 que les images récurrentes de mannequins très maigres jouent un rôle dans le développement de troubles alimentaires chez les adolescents ou les adolescentes.

Pour résumer la situation, la femme représente quatre facettes dans la publicité : l’épouse, la mère, la “pute” ou l’objet du désir, et la machine à laver.

Dans le livre Les quatre femmes de Dieu : La putain, la sorcière, la sainte et Bécassine, l’auteur explique la source de cette liste. Il s’agit d’un quatuor chrétien imbriqué dans la société. Il cite “Le christianisme, écrit Jacques Le Goff, a bien peu fait pour améliorer la position matérielle et morale de la femme.”. Il explique ensuite que “C’est le moins que l’on puisse dire. La femme, quoi qu’elle fit, a toujours été un élément douteux pour l’Eglise. Pourquoi? Parce que cette femme était, de par son origine, inférieure. Et par quels comportements cette faiblesse de départ se traduit-elle? (...) L’institution ecclésiastique soupçonne (ou a toujours soupçonné) la femme d’être putain et sorcière; qu’elle la craint même en sainte; qu’elle lui a toujours suggéré, pour faire le moins de remous possiblle pendant sa chétive existence, de s’en tenir au rôle de Bécassine.”. L’auteur ici indique donc que ce quatuor des rôles des femmes d’origine chrétienne est bien imbriqué dans les mœurs sociales, et bien représenté dans la publicité. Cette instrument est initialement mis en place afin de subordonner les femmes.

De plus, il n’est pas rare d’observer des publicités où seul le corps féminin est représenté et le visage est mis de côté, il est caché. Comme si le corps et les attributs dits féminins seraient les seules choses qui rendent une femme intéressante.

Indubitablement, les hommes peuvent eux aussi souffrir de cette situation. Les stéréotypes d’hyper-masculinité et de masculinité toxique font partie du problème général des stéréotypes de genre. L’homme aussi voit son rôle figé : il doit être fort, musclé, beau et a toutes les femmes qu’il souhaite.

Du fait de la position inférieure de la femme dans ces clichés, l’homme est attendu d’être l’alpha, celui qui est fort.

Dans les publicités de la marque Axe pour du déodorant, on a pu voir des vidéos vantant les mérites du produit non pas pour ses performances pour bloquer les odeurs corporelles, mais pour sa capacité à attirer toutes les femmes sur un ton humoristique. On notera une tendance nouvelle du groupe Axe à retirer les stéréotypes masculins et ouvrir la discussion sur le problème du sexisme.

Egalement, on peut observer que lorsque les publicités pour produits ménagers mettent en scène un protagoniste masculin au lieu du traditionnel cliché sexiste de la femme au ménage, il est très courant de voir un homme qui ne sait pas utiliser le produit ou qui ne sait pas comment faire pour nettoyer quelque chose. On vante alors un produit simple d’utilisation, ce qui reste également un stéréotype : celui que les hommes ne savent pas faire le ménage ou la cuisine (entre-autres).



Les stéréotypes culturels dans la publicité


De nombreux clichés culturels sont mis en avant au même niveau que les stéréotypes de genre. Dans une publicité qui vante les mérites d’un plat maghrébin, ce seront en l'occurrence des personnes maghrébines qui seront représentées. Néanmoins, certaines représentations peuvent être racistes, ou perçues comme telles.

Par exemple, pour la vente de la poudre de chocolat de la marque Banania, il a été choisi de représenter un tirailleur sénégalais accompagné du slogan “Y’a bon Banania”. Le cliché se situe dans la représentation d’une personne noire qui ne saurait pas utiliser un français parfait, mais uniquement un français simplifié.

Il est évidemment logique de représenter les personnes originaires d’un produit étranger. La critique se situe dans le fait qu’il y a une sous représentation des non-occidentaux dans des publicités de consommation courante qui mène donc à ne les identifier seulement de par leur différence.

Les personnes noires sont très souvent associées aux produits que l’on considère exotiques en occident. Il n’est pas rare de voir les mannequins noires qui sont considérées comme belles, car elles possèdent des traits physiques typiquement occidentaux. Par exemple, il est très souvent attendu des personnes aux cheveux crépus de ne pas porter leurs cheveux naturels, mais plutôt des cheveux lisses qui sont considérés dans le monde du travail comme professionnels, contrairement à une coupe afro par exemple. Au niveau des traits physiques, dans le monde du mannequinat il est souvent attendu des femmes d’avoir un nez fin et un visage fin.

Évidemment, cette tendance s’inverse depuis quelques années où les recruteurs cherchent à avoir des modèles aux particularités physiques qui sortent des carcans des canons de beauté de l’occident.

On notera cependant que ces mannequins, comme Winnie Harlow par exemple (mannequin atteinte de vitiligo), restent des exceptions dans leur milieu.


Winnie Harlow pour la marque Desigual

On parlera alors du phénomène de tokénisme, qui est une pratique souvent utilisée par les publicitaires ou dans le monde audio-visuel afin de viser à une inclusion symbolique, afin d’échapper aux accusations de discrimination des groupes minoritaires. Cela s’assimile à de la discrimination positive. Les personnes issues des groupes minoritaires deviennent alors des sortes de “tokens”, pseudo immunité utilisée par les marques pour ne pas être accusées de racisme, d’homophobie ou de transphobie par exemple.



L’impact sociologique important de la publicité


“La publicité aurait ainsi fonctionné comme agent du contrôle social, incitant les individus à acheter, en développant une idéologie où la consommation était présentée comme un progrès social, une totalité intégrée et universalisante.”, écrit Valérie Sacriste dans son ouvrage Sociologie de la communication publicitaire.


Le problème lié à la stéréotypisation des genres, des cultures, des métiers, des produits, etc., est celui de la généralisation. C’est-à-dire que malgré le rejet du stéréotype par les individus, ceux-ci seront tout de même influencés.


Néanmoins, malgré leur utilisation quasi omniprésente des stéréotypes, les publicitaires ne sont pas gagnants. L’étude Brandz de Kantar Millward Brown en 2017 a pu prouver que les marques qui représentent les genres de façon inclusive génèrent un plus gros chiffre d'affaires. En moyenne, une marque qui ne vise qu’un public masculin a une valeur de 11,5 milliards de dollars, et 16,1 milliards de dollars si c’est une marque qui vise exclusivement un public féminin. A cela on peut comparer les marques qui visent tous les genres qui prônent une moyenne de valeur de 20,6 milliards de dollars. Ainsi, les marques auraient tout à gagner à viser un public féminin comme masculin, dépictant la réalité et non plus les stéréotypes. Néanmoins ces marques-là ne représentent que 1 tiers des marques existantes.


Décryptage Citoyen International a pour but principal de décoder l’actualité, pour un citoyen plus éclairé.

Camille GANTZER, rédactrice en chef chez Décryptage Citoyen International.

Le 19 octobre 2021




Pour aller plus loin :



Sources utilisées pour la rédaction de ce billet décryptage :





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