Le « dropshipping » et ses excès : trésor ou mésaventure ?
Aujourd’hui, il est pratiquement impossible d’être passé à côté de la promotion d’un produit dit « révolutionnaire » d’un influenceur de téléréalité proposant de surcroît un code promo pouvant parfois aller jusqu’à plus de -70%. Cependant, une simple recherche sur une plateforme chinoise type « Aliexpress » ou encore « Alibaba », suffit pour retrouver ce même produit mais à un prix nettement inférieur.
Ce mécanisme est appelé « le dropshipping ». C’est un terme anglo-saxon en provenance des Etats-Unis, qui peut se traduire par « livraison par procuration ou par délégation » (1). Cette pratique, comme expliquée par la Fédération du e-commerce et de la vente, au Figaro est « un modèle hybride où un éditeur d'un site est vendeur de produits dont il ne dispose pas des stocks. Il s'occupe essentiellement de la présentation, du packaging (en y accolant souvent le logo de leur marque), de la livraison du produit et du service après-vente ».

La réalité du dropshipping
Si le phénomène de « dropshipping » est souvent mal apprécié car associé à des agissements déloyaux voire malhonnêtes, ce mécanisme existe depuis un certain temps et auprès de nombreux business du quotidien.
En quoi cette pratique légale très en vogue chez les influenceurs suscite-t-elle autant de controverses ?
Une pratique, aux nombreux avantages, régulée par le droit
Le dropshipping est alors une méthode consistant pour un vendeur, l’éditeur du site, de vendre ses produits, qui seront directement envoyés par son fournisseur au client. Si cette pratique présente des vertus notamment pour le vendeur, qui dès lors n’a pas besoin de stock et qui peut très souvent revendre à des prix très supérieurs par rapport à celui de base, le droit entoure cette dernière.

Schéma explicatif de la méthode de dropshipping
En effet, le dropshipper est soumis aux mêmes obligations que tout professionnel réalisant des ventes à distance, sans pour autant posséder une réglementation propre. Il est tenu de faire apparaître les mentions légales avec les informations relatives à l’éditeur et celles relatives à l’hébergeur. Également, pèse sur lui une obligation d’information précontractuelle, où le dropshipper doit fournir, préalablement à la vente, des informations au client et notamment les caractéristiques essentielles du bien. Enfin, il est responsable de la bonne exécution des obligations résultant du contrat de vente dont notamment la livraison (2).
Dès lors, le dropshipping est illégal si l’une de ses obligations n’a pas été respectée, ou encore lorsque la pratique commerciale est déloyale. Cette dernière désigne entre autres des pratiques commerciales douteuses comme une mention d’information ou allégation fausse de nature à induire en erreur le client telle que l’origine ou les propriétés du produit.
C’est dans ce sens, que de nombreux sites de e-commerce ne présentant pas ces informations cruciales sont considérés comme des « arnaques ». Si des plateformes entières existent pour faciliter ces méthodes, telle que Shopify qui permet de créer directement son commerce en ligne, il n’est pas toujours évident de reconnaître un site de dropshipping, notamment lorsque cette opération entre le vendeur et le fournisseur est dite « secrète », alors volontairement cachée des clients.
Une pratique souvent cachée par les influenceurs
Cette méthode de commerce présente néanmoins un certain nombre d'inconvénients notamment à l’égard de l’acheteur. En effet, l’opération étant « secrète » entre le fournisseur et le vendeur, le client se retrouve alors dans la totale ignorance de cette pratique, où il était alors possible pour lui de retrouver le même produit à un prix moindre auprès du fournisseur directement. Également, se pose un souci de sécurité juridique, du fait qu’il peut être difficile de faire peser sur le vendeur toutes les règles protectrices du droit de la consommation.
Les vendeurs, ayant conscience qu’un client averti se tournera davantage vers le fournisseur, peuvent alors avoir tendance à cacher la provenance des produits. En effet, d’après la youtubeuse Hellcat, dans sa vidéo La vérité sur ces YouTubeurs qui se FOUTENT de vous (3), cette dernière dénonce les pratiques d’une autre influenceuse dite Chloé B, et de ses sites de maillot de bain ainsi que de bijoux. Dans un premier temps, si cette influenceuse revendique, auprès de ses abonnées, que ses produits étaient inspirés du réseau social « Instagram », de nombreux internautes ont retrouvés pratiquement les mêmes maillots de bain, dont la composition et les entreprises fabricantes sont à l’identique, sur des sites étrangers tels que « Zaful ». En revanche, si le site chinois les vendait pour moins de 10€, l’influenceuse les proposait au prix de 40€.
Également, la candidate de téléréalité Maddy Burciaga, s’est retrouvée il y a quelque temps, elle aussi au cœur d’un scandale. Cette dernière ayant lancé sa marque de maquillage dite « MLips », les internautes ont très vite retrouvé les mêmes produits sur la plateforme « Aliexpress », avec pour seule différence, outre le prix, le logo rajouté de Maddy. Le youtubeur, Fabian Cr, à travers une vidéo intitulée ALIEXPRESS VS MLIPS ( Maddy) (4), réalise des essais maquillage pour comparer les fameux produits en provenance des deux sites précités. La conclusion est telle qu’il est difficile de les distinguer entre eux, que ce soit concernant le rendu final, ou le produit en lui-même.

Les internautes se rendant compte de la pratique de l’influence Maddy Burciaga
C’est alors un moyen facile et rapide de pouvoir s’enrichir. De plus, la communauté de ces influenceurs étant très souvent, assez jeune, il est peut être difficile de s’apercevoir du subterfuge, d’autant plus que ces produits peuvent présenter une réelle dangerosité.
Une pratique déloyale aux produits dangereux
Si le droit encadre cette pratique, un grand nombre d’entreprises de dropshipping ne respectent pas les principes de loyauté, entendu « comme la loyauté est l’expression de l’engagement contractuel emportant une obligation de probité et de bonne foi » (5). En effet, une quantité importante de produits présentés par les influenceurs possèdent des prix gonflés constituant alors une pratique déloyale. De plus, les personnes faisant la promotion de ces produits, n’avertissent pas leur communauté des risques qu’ils peuvent présenter, car eux-mêmes ne testent que quelques heures avant le produit, mais le mettent en avant comme le « produit révolutionnaire ».
D’après le journal Deavita (6), une tendance décriée par les influenceurs et notamment les candidats de téléréalité est celle de la bougie d’oreilles censée enlever la cire de ces dernières. Cependant, le produit présente de véritables risques de brûlure. Bien entendu, ce n’est pas le seul, un produit de blanchiment dentaire a provoqué des tâches chez de nombreux utilisateurs. C’est d’autant plus critiquable lorsque de nombreux influenceurs faisant la promotion de ce blanchiment dentaire, possèdent déjà des facettes dentaires… Ces articles possèdent un véritable défaut de qualité mais, qui n’est évidemment pas perceptible au moment de l’achat. Cela est d’autant plus dangereux lorsque l’on sait que la communauté de ces promoteurs est très jeune et donc n’ont pas le recul parfois nécessaire.

Le candidat de téléréalité Julien Tanti faisant la promotion d’un produit de blanchiment dentaire
En revanche, cela ne s’arrête pas aux risques potentiellement dangereux des produits, mais d’après le site Stéphane de la rue (7), les candidats de téléréalité, Fidji et Dylan, proposaient à leur communauté des écouteurs sans fils, au design très similaire de celui des airpods proposés par Apple mais pour seulement 8€. Cependant, beaucoup n’ont jamais reçu leurs commandes ; si les principaux concernés, excusent ce retard par les grèves, les acheteurs n’ont jamais été remboursés. Cela explique parfaitement le sentiment « d’arnaque » (8) que peuvent ressentir les usagers.
Alors nouvelle arnaque ou bon plan ?
Il semble donc que le dropshipping soit souvent associé à ce type de pratiques malhonnêtes, très souvent pratiqué par les influenceurs et notamment ceux issus de la téléréalité qui profitent de leur communauté jeune et naïve. Il est alors nécessaire d’être vigilant et d’avertir les plus jeunes sur la dangerosité de certains produits. Également, en cas de doute, une recherche rapide sur les plateformes décrites telles qu’AliExpress, permettent de savoir facilement si les mêmes produits sont issues de ces sites, d’autant plus que souvent ce sont les mêmes images utilisées pour présenter les biens.

La multiplication et l’émergence du dropshipping
Cependant, c’est un mode de commerce qui est depuis longtemps présent en France, et qui permet de réaliser de véritables profits tout en gardant une certaine éthique pour certains. C’est notamment la DGGCRF (La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) qui aujourd’hui se préoccupe des dérives du dropshipping, mais également de la méthode dite « Dark pattern ». Ce sont des mécanismes en ligne mis en place afin d’altérer le comportement de l’utilisateur pour qu’il soit amené à acheter ou partager davantage d’informations que nécessaire. Un exemple concret de cette méthode est celle de diriger l’utilisateur vers un modèle plus cher que le standard avec l’utilisation d’un bouton moins clair et donc moins visible pour le « non merci ».
En ce sens, ces pratiques déloyales sont au cœur d’une attention particulière, dont certains aspects jugés dangereux nécessitent une méfiance justifiée et dont le droit essaie de réguler le marché afin de protéger les consommateurs.
Décryptage Citoyen International a pour but principal de décoder l’actualité,
pour un citoyen plus éclairé
Mélanie Hanna, rédactrice chez Décryptage Citoyen International.
Le 12 octobre 2021
Pour aller plus loin :
Dropshippers et influenceurs : les liaisons dangereuses, article de Signal Arnaques
La vérité sur ces YouTubeurs qui se FOUTENT de vous. ( Ace Family, Chloe B, EmmaCakeUp... ), Vidéo Youtube de la chaîne Hellcat
Quand les influenceurs font du drop shipping, article de Gnitekram
Dropshipping et Dark patterns, deux pratiques e-commerce dans le viseur de la répression des fraudes, article de La revue du digital
Shopify dropshipping : comment ouvrir une boutique en ligne ?, article du blog Oberlo
13 examples of dark patterns in ecommerce chekouts, Econsultancy
Articles, enquêtes et rapports cités dans ce billet décryptage :
Le dropshipping en France : que dit la loi ?, article de CGV expert
Le dropshipping est-il légal ?, article de haas-avocats
La vérité sur ces YouTubeurs qui se FOUTENT de vous. ( Ace Family, Chloe B, EmmaCakeUp...), vidéo youtube de la chaîne Hellcat
Aliexpress Vs MLips, vidéo youtube de la chaîne Fabian Cr
La loyauté, un principe réciproque entre employeurs et salariés ?, article de Les Echos
Que disent les experts à propos des bougies d’oreilles ?, article de Deavita
Énormes colères de clients contre le site 21Pods et contre deux candidats de téléréalité, article de Stéphane Larue
Dropshipping et candidats de télé-réalité : Un business florissant qui révolte les internautes, article de Starmag
Sources :
Dropshipping, influenceurs & tv réalité : La vérité, article de Carline Beauty
Dropshipping et candidats de télé-réalité : Un business florissant qui révolte les internautes, article de Starmag
Dropshipping: les arnaques des influenceurs visées par l’État,, article de Le Figaro
Les arnaques du «dropshipping» se multiplient en France,, article de Le Figaro
Le dropshipping est-il légal ?, article de haas-avocats
La vérité sur ces YouTubeurs qui se FOUTENT de vous. ( Ace Family, Chloe B, EmmaCakeUp... ), vidéo youtube de la chaîne Hellcat
Articles L221-5 et L111-1 du Code de la consommation, Legifrance
13 examples of dark patterns in ecommerce chekouts, Econsultancy